Alien, nation…

•23/03/2013 • Laissez un commentaire

Alien, nation...

« C’est comme ça, on n’y peut rien… »

•26/02/2013 • Laissez un commentaire

D. était l’une de ces personnes que j’avais tendance à apprécier pour sa gentillesse. En effet, elle se montrait souvent attentionnée et n’était pas du genre à s’occuper de ce qui ne la regarde pas ou à faire des histoires pour des riens. Oh, je dois bien avouer que lorsque nous sortions du cinéma ou d’un spectacle quelconque le fait de ne pas pouvoir échanger nos idées sur ce que nous avions vu me laissait un peu sur ma faim. Ceci dit, je l’acceptais comme elle était et m’estimais déjà bien heureuse de pouvoir connaître une personne aussi aimable.

Un jour que nous revenions de dîner chez l’une de ses connaissances, je me mis à lui faire remarquer que le soi disant chef de maison n’avait pas bougé le petit doigt, et que j’avais trouvé choquant qu’elle s’active alors qu’il se prélassait, d’un air goguenard. Son « mais noooooon » doucereux me fit culpabiliser et j’eus alors l’impression d’avoir été indélicate. De ce fait je me tus, n’aimant guère contrarier les gens, surtout lorsque je les trouve sympathiques.

Quelques mois plus tard, j’aperçus cette même connaissance en ville le visage tuméfié. Un peu honteuse, elle fit comme si elle ne me connaissait ou reconnaissait pas (c’est du moins ce qui m’a semblé), et gênée, je fis donc de même. Sous le choc plusieurs jours durant, je me mis alors à en parler à D. ce à quoi elle me répondit, visiblement gênée : « Ah, elle s’est disputée avec son mari ». Étonnée d’imaginer une femme si douce et effacée se disputer avec cet homme qui semblait déjà bien la dominer je laissai alors couler. Certains soirs, lorsque je songeais à nouveau au sentiment de pitié que j’avais ressenti à la vue cette femme, quelque chose d’étrange et de malsain planait à la surface de mes pensées, mais ne sachant quoi faire et qu’en penser, moi, la jeune inexpérimentée du couple, je repensai alors à D. qui n’aurait pas été contente que j’embête un peu trop le monde avec mes constats critiques et mêle-tout, et finissais par me laisser envahir par d’autres sujets.

Un jour D. m’apprit la mort de cette personne dont je peine encore à me souvenir le nom. Selon ses dires, au cours d’une dispute un peu trop violente, sa tête avait heurté le sol puis une hémorragie s’ensuivit. Elle me racontait ça d’une manière neutre, pas froidement, non… Mais un peu comme si c’était inscrit d’emblée dans je ne sais quelle destinée à la noix et qu’en quelque sorte il n’y aurait rien eu à faire. Horrifiée, je me mis à lancer tout de go que nous aurions peut-être pu réagir, lui parler, l’aider à s’en sortir ce à quoi elle me répondit, laconique :

« Sans doute n’avait-elle pas fait les bons choix ».

J’aurais pu reparler des heures de cette notion de choix souvent tronquée par les aléas de la vie mais une fois de plus, nimbée dans ma lâcheté je me tus. Ceci dit, je ne revis plus jamais D….

Le féminisme, un concept marketing qui se doit d’évoluer

•24/02/2013 • Laissez un commentaire

Ce que j’aime, c’est quand une personne qui n’a jamais rien voulu lire ou entendre du féminisme arrive avec ses gros sabots pour nous dire qu’on est des cinglées, qu’on mélange tout, que les mots ne sont que des mots, les poils une question de goût personnel, et qu’on n’a pas à opprimer les gens avec nos idées peu glamour.

On ne demande rien à personne, on discute entre nous (sans toujours être d’accord sur tout certes, et évidemment devrais-je ajouter) mais voilà : paf, une idée surgit comme ça de nulle part sans qu’on n’ait rien demandé à personne, « on devrait faire comme ça parce que vraiment on est tout à fait naze, pas efficaces, et tout et tout ».

J’ai donc particulièrement apprécié ce conseil :

Disons que le féminisme est généralement vu comme une bande de vieux bornés qui combatte dans le vent, faudrais pour ma part changer l’organisation, quitte à faire travailler des filles sexy, c’est contre féministe je sais mais ça marcherais en tout cas et ça avancerais petit à petit, bien que ça paraisse manipulateur/calculateur tout fonctionne comme ça malheureusement.

Bien entendu, comme on est borné-e-s comme pas permis, on l’a tous/tes plutôt mal pris.

Qu’on ne s’étonne alors pas de constater que la plupart des gens ne comprennent pas nos idées-aux.

Mais monsieur le jeune universitaire nous rassure, il est quand même de notre côté, faudrait juste pas pousser mémé dans les orties, non plus.

Je l’ai déjà dis, je ne suis pas un pro féministe, je peux paraître énervant mais estimer vous au moins heureux que je sois anti matcho pour un mec

Peeeeeuple, à genooooooooux…

Le pire c’est que ces gens ont limite l’impression d’entamer une démarche originale en venant nous fourguer comme ça du conseil paternaliste complètement délirant. Quant au : « Oui le droit de vote l’égalité je comprends mais tel ou tel combat pas encore bien digéré c’est trop nul vous vous ridiculisez », ça fait des décennies et des décennies qu’on y a droit. En d’autres temps certain-e-s chantaient déjà cette triste rengaine au sujet du droit de vote, que les suffragettes étaient vraiment des taches de se battre pour ça, et blabli et blabla. Aujourd’hui c’est autre chose et demain illes auront encore l’impression d’avoir inventé l’eau chaude.

Et la remise en question, c’est pour quand, au juste ?

« Les clients de la prostitution » (extrait de l’ouvrage-enquête)

•16/12/2012 • 3 commentaires

« Présentée comme libertaire, l’industrie du sexe est en train de légitimer un retour en arrière phénoménal pour les femmes ; un abandon, pour ne pas dire un reniement des politiques progressistes mises en oeuvre ces dernières décennies. Légaliser la prostitution est en contradiction totale avec le long combat mené par les femmes pour leur dignité et leur autonomie, leur accès au travail créateur, la valorisation de leurs compétences, leur promotion sociale, économique et politique. Une nouvelle fois, les femmes sont renvoyées à leur fatalité de toujours : tout en elles serait sexe et vénalité. Proxénètes et pornographes, sur ce point, font alliance avec les puritains. La croyance des machos se voit confortée. La place des femmes est au lit et aux fourneaux, leur indécrottable destin tient à trois devoirs : service maternel, service domestique, service sexuel. Ce vieux réflexe sent franchement le XIXème siècle. On croirait revenir au temps où certains patrons, sous-payant leurs ouvrières, les incitaient à faire le trottoir après leurs heures de travail*.

L’abdication que constitue la normalisation de la prostitution aura pour première conséquence d’accroître l’acceptation de l’exploitation sexuelle. Comment lutter d’une main contre le harcèlement sexuel, et l’encourager de l’autre s’il est rémunéré ? Est-il cohérent d’inviter un client à se permettre dans un sex-club les mots et les gestes qui l’enverraient au tribunal dans le cadre de son entreprise ? Peut-on condamner le viol, appropriation du corps d’autrui par la contrainte, et fermer les yeux sur la prostitution, appropriation par l’argent ? On ne s’étonnera pas d’assister à une érotisation croissante des corps, notamment des adolescent-es et des enfants, ni d’une éventuelle révision à la baisse de l’âge de la majorité sexuelle afin de dégager un nombre croissant de corps disponibles. La violence sexuelle, déjà largement célébrée dans les médias, a de beaux jours devant elle ».

* Marie-Victoire Louis, Le droit de cuissage.

Les clients de la prostitution, de Claudine Legardinier et Saïd Bouamama (extrait)

Une journée banale, en somme…

•06/12/2012 • Laissez un commentaire

Aujourd’hui c’est le triste anniversaire du massacre féminicide (voire féministicide puisque le meurtrier supposait que ses victimes l’étaient) de Polytechnique.

Aujourd’hui aussi je discute en ligne de l’histoire de ce prof qui s’était amusé à mettre en ligne des photos de ses élèves sur un site pornographique, avec leurs noms et leurs localisations. Je tombe à nouveau sur cet article qui décrète que les actrices pornos sont plus heureuses et épanouies que les autres, rengaine assez pénible et qui a pour écho les leitmotiv strassiens qu’on connaît (oui, il y a des Putes qui aiment ça alors laissez nous faire notre boulot bande de coincées catho fascistes de rabajôa). Il est aussi question de Marcel Rufo, qui dit n’importe quoi. Demain, à qui le tour ?! Hier un dit professionnel minimisait déjà les violences conjugales…

Aujourd’hui je ne sais trop pourquoi mais je repense à cette scène de ménage d’une violence inouïe qui avait eu lieu l’an dernier en bas de chez moi…

Aujourd’hui je sors dans la rue et je tombe sur les sempiternels kiosques à porno. J’entends une femme dire à une autre que son mari l’empêche de sortir je ne sais où. J’ai eu des amies dans ce cas là. Ou alors elles n’avaient pas le droit de se maquiller ou de dire bonjour.

Aujourd’hui en marchant je tombe sur des types qui me lancent des regards de tueur. La grande mode du moment (et je constate cela, sans mentir, presque tous les jours) c’est de cracher, péter ou roter à ma vue. Là deux individus se sont plantés devant moi pour réitérer leurs renvois bruyants et agressifs.

Je ne pense pas qu’ils ne font ça qu’à moi ou que je peux avoir un comportement ou une attitude qui mérite cela. D’ailleurs il n’y a pas d’attitude qui puisse mériter un tel mépris, je pense (sinon certains lèvent le bras comme s’ils allaient frapper puis passent la main derrière leur crâne en faisant mine de bien remettre / aplatir leurs cheveux. Ils ont fait peur (oui, quand on s’est pris des coups étant jeune, je pense qu’on garde une forme de peur et qu’on se protège, peut-être d’autant plus, même), ça les a peut-être excités, en tout cas ils sont contents).

Aujourd’hui je tombe à nouveau sur un monologue haineux concernant les femmes qui ne veulent pas d’enfant. Je patauge entre l’hilarité et la peur. J’ai toujours en effet du mal à me dire que je vis dans une société aussi oppressive que ça.

Aujourd’hui pourtant, on va peut-être encore me dire que j’en fais trop, que j’ai la haine des hommes, que le féminisme, on n’en a plus besoin, que des hommes aussi souffrent partout, au foyer, au bureau, dans la rue, et que je devrais arrêter d’être parano.

On va peut-être aussi me dire sur un ton un poil plus paternaliste : « Tu sais, avant j’étais comme toi (comment ça, « avant », et comment ça, « comme moi ? »), je pensais que tous les hommes étaient des salauds et que toutes les femmes étaient des saintes… » (ah ouais, la vie c’est un peu plus compliqué que ça et y a des hommes bien tout comme des femmes pas gentilles du tout, houlala… Je parie aussi qu’il y a des Blancs sympas comme tout et des Noirs pas glop du tout… Super, bonjour le niveau).

Aujourd’hui je me dis que je suis vraiment fatiguée de tout cela… mais que je ne suis justement pas prête à lécher le morceau de misogynie crasse qui pendouille…

« Abos : cathos, proxos, fachos »

•29/11/2012 • Laissez un commentaire

Les abolitionnistes le sont, selon certains groupes réglementaristes. Eh oui, rien que ça. Vous me direz que le point Godwin est atteint mais plus ça va, plus j’en apprends des vertes et des pas mûres à nos égards.

Ainsi nous serions également hypocrites, frigides, totalitaristes, moralistes et malsain-e-s. Putophobes, aussi (paraît qu’on « voudrait la mort des pauvres putes » en leur flanquant la police aux trousses ou en les contraignant à changer de « métier », bonjour les raccourcis).

Parce qu’au fond nous ne croyons qu’à l’amour et avons un problème avec le sexe, que nous prenons le féminisme (dont nous nous fichons) pour prétexte, parlons à la place des autres (quid des prostitué-e-s abolitionnistes, au juste ?)… et serions grassement nourri-e-s par le lobby abolitionniste pour dégoiser des mensonges.

De telles généralités me laissent cependant un peu sur ma faim. Quel est, au juste, le but des personnes qui nous dénigrent ainsi, tous/tes autant que nous sommes ? Est-ce que le fait d’accumuler les qualificatifs de manière puérile va faire avancer quoi que ce soit à leur cause ?

Je me dis souvent que si je n’étais pas encore bien convaincue de la position à adopter (et ce sans jeu de mot aucun), le fait même de lire certaines de leurs diatribes me rendrait on ne peut plus méfiante à leur égard. Certes, nous abolitionnistes n’en pensons pas que du bien non plus, mais je n’ai jamais lu autant de préjugés totalement irréalistes de la part des orgas qui prônent la pénalisation des clients prostitueurs, par exemple.

Une chambre hors soi

•19/10/2012 • Laissez un commentaire

Compartiment pour poils

•17/10/2012 • 2 commentaires

J’ai passé un bon moment avec cet ouvrage. Si vous aimez la culture indienne (culinaire en particulier), vous allez vous régaler ! Pour l’heure, voici quelques extraits qui m’ont marqués rapport à la pilosité féminine et sa symbolique :

« Une semaine plus tard, vers minuit, Ebe me réveilla par des caresses. « Qu’est-ce que tu fais ? murmurai-je sans mon sommeil.

– Rien, je veux juste te toucher ». Sa voix avait un timbre étrange.

Ses doigts palpaient et exploraient. « Ma petite fille ! roucoula-t-il. Ma fillette chérie ! »

Je pris peur. Qu’arrivait-il à Ebe ? « Ebe, Ebe ! dis-je en chuchotant, sans pouvoir cacher la panique dans ma voix.

– J’adore quand tu m’appelles « Ebe, Ebe », comme tu viens de le faire. Comme une petite fille. Je t’aime comme cela, murmura Ebe. Si pure et propre. Ma petite chérie, mon adorable petite fille. Sans gros seins qui pendent ni cette horrible toison qu’ont les femmes. Je ne veux pas que tu changes. Je veux que tu restes ainsi toute ta vie.

Et moi, où étais-je dans tout ça ? Margaret Shanti, la femme. Aux yeux d’Ebenezer, avais-je cessé d’exister ? Que voyait-il en moi ? Une petite fille qu’il pouvait diriger et modeler à la guise ? Qu’il pouvait dominer et puis à laquelle il ferait l’amour ? Il semblait avoir nié tout ce qui en moi était adulte et féminin… »

Plus loin, nous pouvons découvrir à quel genre de jeu ce principal d’un établissement scolaire s’adonne :

« Ebe était rusé. Il choisissait les livres avec grand soin et sévissait en alternance sur les trois bibliothèques dont il était membre. De façon à ce que personne ne puisse faire remonter à lui les dégradations qu’il faisait subir aux livres. Et puis, qui irait le soupçonner de telles obscénités ? En effet, Ebe, avec une méticulosité parfaite, dessinait des organes génitaux : des pénis, des testicules, des anus, des vagins qui portaient sa signature, à savoir les poils pubiens. […] »

Quand on apprend que Margaret tente de se venger de tout ce que lui a fait subir son mari, on peut lire d’emblée ceci :

« Mais cette nuit-là, une fois Ebe endormi, je me tournai vers lui et fis courir ma langue le long de son cou. Je laissai mes doigts fouiller et tirer les poils de sa poitrine. Tout doucement, comme une petite fille… je l’aguichai comme je savais le faire. Sans avoir l’air d’y toucher. Avec des baisers de papillon et des caresses audacieuses. Avec la bouche en coeur et la peau rasée. Avec une détermination inébranlable et des cuisses ouvertes ».

Encore plus loin :

« Je tombai enceinte pour la deuxième fois et donnai naissance à une fille. J’observai ses traits fins et ciselés, ses longs doigts minces qui ressemblaient à ceux d’Ebe. Puis je vis l’innocence nue de son pubis et sentis une vaste ombre noire nous menacer. Je me souvins de la nuit où Ebe m’avait réveillée avec ses attouchements […] […] Mon bébé était pur et innocent. Exactement ce que mon mari aimait chez les femmes ».

Plus tard elle décrit plus précisément encore sa stratégie : le rendre inoffensif et le gavant de nourriture. Ainsi Ebe devient débonnaire et tranquille, un pépère facilement épuisé (bon, je n’ai pas été convaincue, forcément).

Compartiment pour dames, Anita Nair.

Viols

•13/10/2012 • 3 commentaires

Le verdict est tombé et révolte les féministes (et moins sincèrement certains nationalistes à clichés qui se saisissent de la moindre occasion de ce type pour mettre leurs idées en valeur, mais passons).

A juste titre selon moi.

J’aimerais toutefois rappeler que, d’une manière générale, le procédé qui consiste à envoyer des fautifs/ves en prison tend à me gêner quelque peu. La prison, ça n’est pas la garantie d’une punition, mais d’une humiliation. Personnellement je ne pense pas qu’il y ait à se réjouir de savoir que les personnes condamnées à je ne sais quel-e fait-s vont subir des humiliations pendant un temps plus ou moins long, et si le fait de l’imaginer à distance aide grand monde au final. En fait il faudrait repenser cette manière de voir mais aussi de faire, de vouloir créer un certain type de vengeance, selon certains procédés.

Après il y a aussi le fait de savoir qu’une personne est incarcérée, enfermée, hors d’atteinte. D’un point de vue féministe, et quand on sait à quel point nombre d’hommes se sentent les rois dans l’espace public à toute heure de la journée ou même de la nuit, prenant tout l’espace physique et sonore qui leur est permis, bouffant la tranquillité des personnes qui sont sous leur joug, créant des angoisses et des peurs régulières, cela peut rassurer. Ce sont les femmes qu’on enferme, plus ou moins subtilement, le plus souvent.

D’ailleurs c’est bien parce que très jeune j’ai voulu prendre mes libertés que j’ai été violée aussi. Enfin… violée de cette façon là. Car si j’avais accepté les règles édictées par cette chère bonne loi patriarcale, j’aurais eu la pression pour écarter les jambes pour mon chéri en échange d’un chaperonnage quasi permanent et ç’aurait été tout autre chose. Enfin en surface, au final. Or je crois que dix, vingt ans, même, avant d’avoir analysé tout ça je ressentais comme un malaise avec toutes ces données là, celles dont on ne parle jamais mais qu’il faut deviner, et suivre aveuglement, en criant parfois même au libre choix, comme pour mieux s’en convaincre.

Avec le recul, célibataire ou en couple (il n’y a que deux cases), j’étais donc perçue comme une proie potentielle. A cause de mon comportement, ça c’est certain. Mon comportement qui détonnait dans cette ville moyenne de province où les ragots vont souvent bon train (on peut faire des milliers de choses par ennui mais médire est une chose aisée et rapproche parfois les gens, même si tout cela reste bien superficiel et illusoire (je l’ai expérimenté aussi pour d’autres thèmes, comme à peu près tout le monde, j’imagine)).

Avoir un seul petit copain à la fois m’ennuyait. Je pense que sans me le verbaliser vraiment je trouvais ça artificiel et sans raison d’être. Un peu comme si je me contentais d’aller seulement jusqu’à Amiens pour me balader et jamais au grand jamais ailleurs alors que des tas d’autres villes peuvent valoir la peine d’être vues et connues, même si on trouve particulièrement attachant ce chef-lieu de la Somme.

La plupart des gens, même ceux qui aiment souvent revenir au même endroit pour les vacances, seraient d’accord avec ma démonstration par les villes, mais pour les relations qui mêlent sexualité et affectivité, cela bloque toujours pas mal. Bref, pour vous dire que je n’ai jamais compris ou envisagé le monogamie sur le long terme et qu’aller tous les jours à Amiens ne me suffisait plus, je voulais autre chose. Même du Hénin-Beaumont ou du Charleroi, oui.

Alors je ne sais pas quelle est la réputation des gens qui visitent plusieurs villes dans le même mois mais la mienne, je la connaissais bien, et j’avais décidé de passer outre.

Mais passons ces comparaisons de mauvais goût et revenons à ce dont je voulais vous parler ici. Lors de cette affaire, j’ai découvert qu’il se trouvait encore des individu-e-s pour s’étonner qu’une personne hésite à porter plainte. Ben voyons : cela semble tellement évident de se rendre au commissariat et de dénoncer ses agresseurs ! Or là, des femmes ont eu un courage incroyable pour dénoncer une atrocité plus qu’évidente et ça n’a rien donné. Et de ce que j’ai compris, l’une d’entre elle habite encore dans le même quartier que la plupart de ses agresseurs.

Je le répète, le système carcéral me pose problème mais symboliquement on leur a fait entendre que leurs souffrances n’étaient que du vent, et que les violeurs pouvaient continuer à s’en donner à coeur joie.

Ceux-là et bien d’autres, en somme.

Violeurs, vous qui n’aviez rien à perdre continuez donc, vous avez l’aval de la société entière.

Une société cynique, misogyne et pro-viol. Mais qui a le culot de s’autoproclamer juste, libre, démocratique, progressiste et tout le tintouin.

Voilà sans doute pourquoi moi je n’ai pas eu ce courage là.

Parce que je n’y croyais pas déjà. Que même si j’avais été crue et entendue, je ne vois pas ce que ça m’aurait fait de savoir ces types en prison. Moi, tant que le Patriarcat court encore et que d’autres sont prêts à prendre le relais je ne suis pas tranquille. Mais j’en demande sans doute beaucoup trop puisque les hommes, on ne peut pas les changer, et que c’est à moi de prendre les mesures nécessaires pour m’épargner (« C’est qu’elle voudrait exterminer tous les hommes de la terre cette vilaine misandre ! », crieraient en choeur les misos et certaines femmes collabos…). Enfin disons qu’à l’époque et vus les choix qui m’étaient impartis j’avais surtout peur que ça fasse des histoires. De circuler encore moins librement dans ma ville, punition suprême pour moi qui ai toujours été habituée à prendre un peu plus de libertés que d’autres rapport à mes mouvements itou.

Mais à supposer plus d’empathie et des sanctions différentes, jamais, absolument jamais ne n’aurais été encouragée dans ce sens.

Parce qu’on m’a toujours fait comprendre que c’était de ma faute au final. Oui, je les connaissais qui plus est, et après tout je m’étais plutôt laissée faire qu’autre chose, ils n’ont pas été violents (normal aussi, puisque je n’ai pas été réticente, preuve que « j’aimais ça » à toute heure du jour et de la nuit). L’un d’entre eux était un amant régulier, je l’avais choisi aussi, d’ailleurs je l’ai revu après à plusieurs reprises.

Mes désirs érotiques s’étaient mêlés aux dures réalités patriarcales, en somme. Celles qui vous disent qu’une femme doit savoir se tenir, ne pas trop en faire, rester dans le rang (à bien y réfléchir je ne suis pas certaine que tout aille pour le mieux quand on reste dans le rang. Mais ce qui est plus sûr, c’est qu’une fois qu’on en sort, on est presque certaines de se sentir rattrapées d’une manière ou d’une autre. Une fois de plus, c’est pile tu perds, face tu gagnes pas. Ceci dit j’ai dû trouver plus intéressant de sortir du moule patriarcal quoi qu’il en soit, à mes risques et périls, comme on dit).

Et de toute façon je n’avais personne à qui en parler. Mes parents, sans tout deviner pour autant, m’avaient fait comprendre eux aussi qu’il ne fallait pas chercher les embrouilles en adoptant un comportement plus conforme, dirons-nous. Et quand bien même ils auraient été touchés il aurait fallu que je modifie un peu mon récit, que je sois dans le rôle de la pôôôvre victime salie qui a déshonoré le clan, et qui se répand dans les larmes. Or oui, j’ai été victime, c’est indéniable, mais je n’ai pas eu honte, et je ne me suis jamais sentie salie, pas même au point de prendre une douche juste en rentrant. Je n’ai pas pleuré sur le coup, j’ai accueilli froidement la fatalité, sans me débattre, rien. Ni douleur ni plaisir, en somme. Juste que je ne voulais pas, à la base. Et qu’ils s’en fichaient.

Quant aux camarades ou copines que je fréquentais à l’époque, elles étaient tellement en dehors de tout cela que j’aurais eu peur de les gêner en leur racontant ces histoires qui étaient à milles lieues de leur quotidien. L’une d’entre elles m’aurait d’ailleurs condamnée aussi, vu ce qu’elle pouvait dire des « filles faciles » et tutti quanti. De toute façon, tous les sujets polémiques étaient soigneusement évités et à force, j’avais perdu le goût de les évoquer.

Il y avait, enfin, il y a toujours d’emblée un énorme tabou autour de tout ça. Sans même parler du fait qu’il faudrait désacraliser ces histoires de viol et savoir pointer du doigt les coupables (ce qui nécessite une brisure de la « solidarité masculine » et des tas d’autres choses dans ce genre, vaste chantier), il y a une urgence à la solidarisation et au parler vrai. Or on place les femmes dans une telle solitude qu’il n’y a jamais grand chose à faire au final. Du moins pour le moment.

Enfin quand j’y pense là, pour le coup, il y a quand même un énorme paradoxe, au fond :

On ne veut surtout pas que les femmes s’affichent et circulent seules sinon pour se rendre le plus rapidement possible d’un point A à un point B et ce avec un paquet de raisons valables derrière (courses, boulot, visite à mère-grand ou à l’officiel, cours de piano ou de scrapbooking)… mais au final elles sont plongées dans une solitude énorme dès lors qu’un fait similaire se produit (et pas seulement d’ailleurs !).

On attend d’elles certains gestes, certaines paroles, un certain comportement, point.

Et la plupart du temps sous tutelle.

Alors vu qu’avec tout ça il est difficile de confier un viol à ce que notre société qualifie comme proches comment faire pour prendre son courage à deux mains et le délivrer à des inconnu-e-s qui vont sans doute nous impressionner de par leur posture, leur assurance, surtout si on est seules avec notre récit qui a du mal à passer ?

Ces inconnu-e-s qui n’ont généralement aucune conscience féministe, qui ont souvent été élevé-e-s dans l’idées que lafâme c’est quand même quelque part une vile tentatrice, et même qu’elle provoque avec des vêtements sexy, qu’elle se plaît à allumer puis parfois même à mentir par vengeance ?!

Or si ça peut arriver c’est loin d’être automatique et on ne devrait pas partir de ce principe là. D’ailleurs ça n’est même pas un principe, mais une aberration que d’avoir cela en tête. Enfin, je ne suis pas de la Police, ni psy ni rien du tout d’officiel ou non, mais je pense qu’une personne qui relate un tel fait doit de prime abord être encouragée à aller plus loin. On ne doit pas mettre ses paroles en doute. On se pose, on se remet en question, puis on réfléchit et on étudie le dossier. Pas à la lumière patriarcale, si possible. Et on n’oublie pas qu’en règle générale la plupart des femmes n’ont pas grand chose à faire pour subir un viol, un viol, c’est une domination, une tentative de destruction et d’humiliation exercée sur l’autre, et la sexualité n’en est qu’un moyen.

Quand j’ai été violée je n’ai pas senti un désir impérieux en particulier pendant l’acte. Je passe outre l’aspect vestimentaire car je déteste avoir à me justifier là-dessus (avez-vous remarqué de quelle façon on revient toujours sur la tenue des femmes ? Tant et si bien que ces dernières, dès lors qu’il leur arrive quelque chose, s’empressent le plus souvent de se disculper en précisant bien qu’elles étaient vêtues très simplement voire de manière « absolument pas sexy houlala »)… Je pense que parfois, il y a une volonté bien précise de nuire à une personne en particulier en la violant directement ou indirectement (je rappelle qu’on viole aussi des grand-mères, des bébés (garçons ou filles), des animaux, on peut se servir aussi de ces dernier-e-s pour salir ses propriétaires, qu’on a plus de mal à atteindre par exemple), mais parfois c’est juste comme ça, dans le cas que j’ai pu vivre pour faire le coq devant les copains, parce qu’une femme ça ne sert qu’à ça. A se défouler. C’est lol. A montrer qu’on sait y faire. Peut-être même que quand il y a plusieurs protagonistes ça les rapproche d’une certaine manière, un peu comme avec les ragots que j’ai évoqués rapidement tout à l’heure.

Ça créé une proximité, quoi.

Je ne porterais pas plus plainte aujourd’hui que lorsque ça m’est arrivé. On pourra me dire que c’est encore de ma faute et que pendant ce temps là ils peuvent violer d’autres femmes en toute liberté (enfin bon, même en prison ils auraient pu continuer à violer, de toute façon, si on y va comme ça).

Parce que oui, même après coup, on nous culpabilise. J’ai raconté mon viol à la plupart des amants et amis que j’ai pu avoir par la suite et l’un d’eux m’a dit : « De toute façon t’as le feu au cul ». Un autre m’a dit, sans doute gêné, après un long silence : « Menteuse ».

Peut-être que je le raconte mal aussi, un peu froidement, que je devrais y mettre les larmes et me sentir plus traumatisée que ça selon certains codes attendus. C’est vrai que je je vais un peu trop bien pour une femme qui a connu un viol donc ça ne doit pas être bien grave.

Or là n’est pas la question. Et de toute façon je ne veux pas de pitié non plus, je n’en ai pas besoin. Juste me faire entendre mais surtout parce que mon témoignage peut servir sociétalement parlant. Et qu’on se rappelle bien de quelle manière les viols peuvent exister et revêtir diverses formes, de quelle manière le terrain est préparé pour qu’il soit courant et accepté comme ça l’est souvent au fond malgré les simulacres.

J’ai peur aussi de certains clichés. Qu’on se dise : « Ah, si elle a développé des maladies chroniques par la suite, ça vient forcément de là ! » ou encore : « Ah, si elle refuse la vie de couple c’est qu’elle a eu ces tours là, elle n’a pas eu de chance ! »

Or j’avais et ressentais tout cela bien avant, et j’estime que je n’ai ni plus ni moins de chance que n’importe qui, la plupart des filles qui ont voulu goûter à un certain type de liberté peuvent facilement connaître ce genre de chose.

D’ailleurs la plupart des femmes connaissent des agressions sexuelles à un moment de leur vie, ils faut qu’ils soient nommés comme telles, il ne faut pas en avoir honte.

Et quasiment toutes, à mon avis, se sont au moins une fois « forcées un peu » pour faire plaisir à Monsieur (Monsieur Lebon ou un autre, qu’importe). C’est aussi ce qu’on attend de nous : Conciliance, apaisement des esprits belliqueux (Amen).

Or en résumant grossièrement, mais sûrement, si les femmes la ramènent trop à ce propos, elles risquent à terme la mise au ban. Et tout ce qui va avec. Une plus cinglante démonstration d’un système injuste et qui en veut aux femmes et aux dominé-e-s, en somme (sans trop qu’on sache pourquoi au fond).

Normal oserais-je dire : tout est préparé pour. Ceci dit il y a vraiment urgence, il faut s’y mettre et dénoncer tous types de viols, et pas seulement au Proches ou à la Police. Il faut exprimer sans cesse ce qu’on ressent quand on a été forcé-e. Même si on n’a pas dit non assez fort ou qu’on avait une jupe.

Je pense aussi qu’il faut faire valser les emballages dorés des cadeaux empoisonnés…

« Les filles dans la mine »

•26/08/2012 • Laissez un commentaire

« Nombreuses sont les filles qui travaillèrent dans la mine. Les plus jolies étaient employées comme bonnes chez les directeurs et ingénieurs, certaines étaient employées à nettoyer les lampes de la lampisterie, les moins dociles étaient employées au charbon.

Le travail était pénible, il y avait la pression des hommes. On s’imagine, dans les endroits de faible lumière, ce qui pouvait se passer […] »

Josette Gomez (Cercle Généalogique de Côte d’Or), Le Criquet, Mars 2012.